L'Avent de l'art // Jour 2 : Krstin McKirdy à la Cité de la Céramique, Sèvres
Alors
que la blogosphère prépare minutieusement la mise en ligne de
calendriers de l'avent virtuels (musique ou motifs à télécharger,
idées recettes, DIY,etc.), le Cadavre exquis culturel se lance
aussi ! Chaque jour de l'Avent, un billet à propos d'une œuvre
ou d'une exposition, pas à pas jusqu'à Noël. Le format sera plus
léger que les billets habituels : c'est qu'il faudra tenir le
rythme ! Mais le défi est une contrainte féconde !
Bel
Avent...
L'exposition est double : au rez-de-chaussée, dans la galerie contemporaine, est présenté un panorama de l’œuvre de Kristin McKirdy des 20 dernières années, à base de faïence émaillée. Au premier étage sont exposés les fruits de la résidence de l'artiste à Sèvres auprès des artisans de la Manufacture, et sont donc toutes des pièces de porcelaine.
Le
dossier de presse nous apprend que Kristin
McKirdy a démarré son activité de céramiste en façonnant des
récipients, tout en appréciant la proximité morphologique entre
les céramiques utilitaires et le corps humain. Le vocabulaire de la
céramique l'illustre d'ailleurs parfaitement: on parle de lèvre,
de col, de ventre, de pied pour décrire un pichet, un pot, une
jarre... Au-delà de cela, la céramiste, qui est aussi historienne
de l'art et archéologue, s'intéresse à l'objet céramique « comme
témoin universel de l'activité humaine ». La dimension
rituelle d'un répertoire de formes intemporelles, dans les arts
africain, précolombien et méditerranéen, aimante les choix de
Kristin McKirdy dans son propre travail.
Ses
pièces proposent une réinterprétation de ces objets classiques.
Ainsi s'exprime Pierre-Marie Giraud, le commissaire de l'exposition :
« Puissamment
chargées de l’histoire des hommes, ses pièces nous ramènent à
un objet premier, libéré des scories du décor et de tout
maniérisme, puisant dans la culture pour retrouver l’archaïsme.
[…] Ces œufs, ces graines, ces coupes à demi ouvertes recèlent
des trésors. [...] Elles nous rappellent comme la terre est
généreuse pour l’homme et comme la céramique l’a accompagné
depuis ses premiers pas, au berceau de l’humanité. »
C'est
donc avec une réelle émotion que j'ai découvert les natures mortes
de Kristin McKirdy : un sentiment profond de connexion avec
l'histoire de la céramique et ses développements contemporains. Les
pièces de Kristin McKirdy sont très justes.
Et l'on peut passer beaucoup de temps à scruter les formes
choisies : certaines abstraites, d'autres semblables à des
légumes oubliés ou inventés, une once de géométrie, une banane,
un bonbon. Le tout modifié par le travail d'émaillage opéré par
l'artiste, dont c'est aussi une spécialité. Beaucoup d'émotion
face à la simplicité directe du propos, voilà ce que distillent
ces ensembles, cornes d'abondances, quatre quarts...
Plusieurs
autres pièces délaissent la référence au monde naturel pour se
concentrer sur l'expression du jeu et de l'enfance : ainsi
Playground
matérialise-t-elle un manège ou grand huit imaginaire.
A
l'étage les pièces de porcelaine m'ont laissée bien plus froide.
Elles en jettent, c'est certain, ces belles formes recouvertes des
motifs de peinture du XVIIIème siècle (branches, oiseaux,
guirlandes,etc.), patiemment choisis parmi les collections de Sèvres.
L'application des artisans peintres de la Manufacture est
impressionnante, la maîtrise est impeccable bien sûr. La
dissociation des peintures de leur support d'origine pour s'appliquer
aux formes inventées de McKirdy est intéressante. Mais pas
bouleversante. Pourtant l'ensemble Famille
a bien débuté une sorte d'existence, Kristin McKirdy ayant veillé
à façonner une personnalité propre à chacun des cinq membres de
forme identique, à l'aide de motifs savamment choisis et mêlés.
![]() |
Famille |
Il
faut ajouter à la grande qualité du travail de Kristin McKirdy les
mérites de la très belle scénographie de Jean de Piépape. Il a
effectué un remarquable travail de mise en lumière, notamment au
niveau des galeries contemporaines du rez-de-chaussée. Les pièces
semblent baigner dans un doux soleil de fin de journée très
flatteur pour les volumes et les couleurs de Kristin McKirdy.
Mais
nous regrettons le manque de pédagogie de l'exposition. Le visiteur
est laissé tout entier à la magie des pièces, rien ne transparaît
des secrets de la terre. La céramique est une science ardue,
mystérieuse pour ceux qui en ignorent les principes. Or il eût été
bon de rompre un peu le charme afin de laisser entrapercevoir au
visiteur le processus d'élaboration des pièces. Quelques fiches de
salle très succinctes sont dissimulées dans chacune des deux parties de
l'exposition, cela ne suffit pas. Le risque est grand de ne pas
saisir la difficulté du travail de la céramiste, sa virtuosité.
Rien n'est dit ou presque sur la technique, que ce soit le choix de
la terre, l'émaillage ou la cuisson. Même les pièces dont ont été
tirés les motifs pour les porcelaines du 1er étage brillent par
leur absence. Il faut accepter pour en voir quelqu'une de partir dans
une chasse au trésor parmi le reste de la collection. On repart de
la visite en connaissant mieux l’œuvre de Kristin McKirdy mais pas
la discipline céramique. Étrange choix.
Il
faut toutefois courir à la Cité de la Céramique pour se réchauffer
au soleil ancestral et vif des pièces de Kristin McKirdy. C'est un
« chocolat » particulièrement savoureux pour ce début
d'Avent...
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